Tataki-zomé
Du japonais tataki, marteler et zomeru, teindre ; d’où teindre en martelant
Histoire de l'usage du terme "tatakizomé"
Après avoir créé pendant 15 ans à partir de pulpe de papier, j'ai progressivement découvert que le papier humide inséré de feuilles pressées contre du tissu laissait une empreinte intéressante issu des principes tinctoriaux des plantes. J'ai donc souhaité explorer ce domaine des empreintes sur le tissu.
En 2013, deux amies artistes en résidence dans un projet commun, Stéphanie Jacques et Caroline Léger, me conseillaient la même semaine d'essayer le martelage de végétaux...Le martelage semblait surtout employé à ce moment-là dans des ateliers de sensibilisation écologique avec les enfants. Mais aussi comme méthode artisanale, Anne Weis l'a utilisé dans ses belles créations depuis longtemps.
Depuis ce moment, j'ai exploré progressivement ce dispositif qui est devenu pour moi bien plus qu'une technique mais une manière de se connecter et de rencontrer les plantes, d'imprimer cette rencontre et de révèler leur essence, dans le cadre de ma démarche artistique.
J'ai expérimenté pendant 2 ans, de 2013 à 2015, tous les supports et les marteaux, toutes les mélanges pour fixer -en écartant vite les toxiques-, toutes les manières de mordançer, les plantes au différentes saisons, etc, en notant systématiquement mes expérimentations, pour arriver à un résultat qui avait un sens dans ma démarche artistique : une empreinte très précise qui permet de se connecter aux détails du végétal précis...
En 2015, lors du Forum international de la couleur végétale à Lauris, j'ai parlé à Michel Garcia, grand Maître teinturier, le résultat de mes explorations et il l'a cautionné, grand connaisseur de la chimie végétale.
Ma démarche, comme la technique qui est un de ses outils, continue à évoluer.
Un mot japonais ?
Dans son livre Ecoprint, India Flint consacre une page au martelage de fleurs fraîches qu'elle appelle hapa-zomé (hapa-feuille-et zomé-teindre en japonais).
Mais pas plus le mot martelage que le mot hapazomé ne me convenait.
Grâce aux échanges avec la minutieuse artiste japonaise Seiko Tachibana, dans une mémorable résidence commune à Arte studio ginestrelle en 2014 avec notre accueillante hôte Marina Merli, Seiko m'a proposé ce mot tataki-zomé, plus juste selon elle, dans l'idée de révéler l'empreinte teinte des plantes par martelage.
J'ai donc nommé cette démarche de connexion au végétal d'un mot japonais
car c'est d'abord pour moi une manière d'observer finement la nature à chaque saison, de la célébrer,
que la culture japonaise des 72 micro-saisons annuelles symbolise pour moi.
Cela consiste à observer les végétaux par tous nos sens, puis à en glaner quelques-uns en conscience,
et ensuite à marteler des feuilles et d’autres éléments végétaux frais pour teindre un textile grâce aux sucs de la plante
pour révéler la structure et les principes actifs de la plante et la rencontrer ainsi dans son essence.
Seiko m'avait dit que le tataki-zomé serait peut-être un art ancestral japonais, mais nous n'avons à ce jour rien trouvé qui confirme cet usage.
J'ai noté un peu trop rapidement dans le catalogue et sur mon site que c'était un art ancestral japonais -et je suis navrée de cette précipitation-
et cela a été répété à tire larigot, sans vérification.
De mes informations, ce n'est donc pas un art ancestral japonais.
Aucune création artistique d'un.e artiste ou artisan.e japonais.e ne se réfère au tataki-zomé, en tous cas avant 2017,
année où je nomme cette démarche par ce mot dans un catalogue et une exposition.
Quand j'ai commencé à les exposer en 2017 avec l'exposition Tinctoria, je n'avais jamais vu exposées de créations artistiques avec ce dispositif.
Démarche incluant la déambulation, l'observation, la rencontre, la révélation, l'attention au support
Cette technique, aussi utilisée par les Indiens Cherokee, est également appelée leaf-pounding, de l’anglais leaf, feuille et pound, marteler mais aussi battre la chamade, aller et venir. Pour moi, le tataki-zomé est lié à une déambulation préalable, géopoétique, où j’observe le végétal, et je m’émeus face à la forme, la matière, la couleur d’une feuille que je collecte précieusement. Paradoxalement, je vis le martelage de la feuille comme une sorte de méditation jubilatoire rythmique où la plante révèle une part de son essence, montre certains de ses composants biochimiques invisibles au regard.
Voir le très beau texte musical à ce propos Swing d'une feuille qui fait impression, Tanguy de Foy
Au martelage, certaines substances s’oxydent au contact de l’air et brunissent; d’autres ne colorent que peu le tissu. Une métamorphose des empreintes a lieu au contact du mordant, le sulfate de fer. Les couleurs obtenues se transforment: brun, gris, vert foncé, bronze, violet apparaissent, parfois de manière spectaculaire.
Comme textile-support, j’aime utiliser de vieux draps de coton blanc. Techniquement parce que les draps usés sont prêts chimiquement à accrocher les traces végétales. Écologiquement car cela m’intéresse de récupérer des draps blancs souvent mis au rebut. Symboliquement car ces draps avec leurs traces de vie incarnent pour moi le monde des rêves et des souvenirs, à mettre en lien avec cette question qui traverse mon travail: quelles traces reste-t-il de nos émotions?
Essaimage du terme
Je tiens juste à préciser que j'ai utilisé ce terme dans l'idée de transmettre une démarche de connexion aux plantes qui pour moi demande une pratique de slow-atelier, sur 2-3-4 jours, et ce n'est pas juste une technique à transmettre dans un atelier de 2h.
Depuis 2017, j'ai donné des centaines de stages et transmis la démarche et le terme à des milliers de personnes en Belgique, en France, en Colombie britannique, en Espagne, au Québec, en Nouvelle Ecosse, en Suisse, en Italie...et suis ravie de voir fleurir des créations.
Je suis ravie aussi de voir le mot Tatakizomé se répandre joyeusement, surtout si la démarche inclut cette attention toujours plus fine à la particularité de chaque plante. Cette attention et cette révélation nous lient émotionnellement à chaque plante, et -c'est mon intention- que cette démarche qui se répand nous rende de plus en plus nombreux.ses conscient.e.s de l'importance de chaque plante, nous donne envie de la comprendre, et de cohabiter avec respect.
Histoire de l'usage du terme "tatakizomé"
Après avoir créé pendant 15 ans à partir de pulpe de papier, j'ai progressivement découvert que le papier humide inséré de feuilles pressées contre du tissu laissait une empreinte intéressante issu des principes tinctoriaux des plantes. J'ai donc souhaité explorer ce domaine des empreintes sur le tissu.
En 2013, deux amies artistes en résidence dans un projet commun, Stéphanie Jacques et Caroline Léger, me conseillaient la même semaine d'essayer le martelage de végétaux...Le martelage semblait surtout employé à ce moment-là dans des ateliers de sensibilisation écologique avec les enfants. Mais aussi comme méthode artisanale, Anne Weis l'a utilisé dans ses belles créations depuis longtemps.
Depuis ce moment, j'ai exploré progressivement ce dispositif qui est devenu pour moi bien plus qu'une technique mais une manière de se connecter et de rencontrer les plantes, d'imprimer cette rencontre et de révèler leur essence, dans le cadre de ma démarche artistique.
J'ai expérimenté pendant 2 ans, de 2013 à 2015, tous les supports et les marteaux, toutes les mélanges pour fixer -en écartant vite les toxiques-, toutes les manières de mordançer, les plantes au différentes saisons, etc, en notant systématiquement mes expérimentations, pour arriver à un résultat qui avait un sens dans ma démarche artistique : une empreinte très précise qui permet de se connecter aux détails du végétal précis...
En 2015, lors du Forum international de la couleur végétale à Lauris, j'ai parlé à Michel Garcia, grand Maître teinturier, le résultat de mes explorations et il l'a cautionné, grand connaisseur de la chimie végétale.
Ma démarche, comme la technique qui est un de ses outils, continue à évoluer.
Un mot japonais ?
Dans son livre Ecoprint, India Flint consacre une page au martelage de fleurs fraîches qu'elle appelle hapa-zomé (hapa-feuille-et zomé-teindre en japonais).
Mais pas plus le mot martelage que le mot hapazomé ne me convenait.
Grâce aux échanges avec la minutieuse artiste japonaise Seiko Tachibana, dans une mémorable résidence commune à Arte studio ginestrelle en 2014 avec notre accueillante hôte Marina Merli, Seiko m'a proposé ce mot tataki-zomé, plus juste selon elle, dans l'idée de révéler l'empreinte teinte des plantes par martelage.
J'ai donc nommé cette démarche de connexion au végétal d'un mot japonais
car c'est d'abord pour moi une manière d'observer finement la nature à chaque saison, de la célébrer,
que la culture japonaise des 72 micro-saisons annuelles symbolise pour moi.
Cela consiste à observer les végétaux par tous nos sens, puis à en glaner quelques-uns en conscience,
et ensuite à marteler des feuilles et d’autres éléments végétaux frais pour teindre un textile grâce aux sucs de la plante
pour révéler la structure et les principes actifs de la plante et la rencontrer ainsi dans son essence.
Seiko m'avait dit que le tataki-zomé serait peut-être un art ancestral japonais, mais nous n'avons à ce jour rien trouvé qui confirme cet usage.
J'ai noté un peu trop rapidement dans le catalogue et sur mon site que c'était un art ancestral japonais -et je suis navrée de cette précipitation-
et cela a été répété à tire larigot, sans vérification.
De mes informations, ce n'est donc pas un art ancestral japonais.
Aucune création artistique d'un.e artiste ou artisan.e japonais.e ne se réfère au tataki-zomé, en tous cas avant 2017,
année où je nomme cette démarche par ce mot dans un catalogue et une exposition.
Quand j'ai commencé à les exposer en 2017 avec l'exposition Tinctoria, je n'avais jamais vu exposées de créations artistiques avec ce dispositif.
Démarche incluant la déambulation, l'observation, la rencontre, la révélation, l'attention au support
Cette technique, aussi utilisée par les Indiens Cherokee, est également appelée leaf-pounding, de l’anglais leaf, feuille et pound, marteler mais aussi battre la chamade, aller et venir. Pour moi, le tataki-zomé est lié à une déambulation préalable, géopoétique, où j’observe le végétal, et je m’émeus face à la forme, la matière, la couleur d’une feuille que je collecte précieusement. Paradoxalement, je vis le martelage de la feuille comme une sorte de méditation jubilatoire rythmique où la plante révèle une part de son essence, montre certains de ses composants biochimiques invisibles au regard.
Voir le très beau texte musical à ce propos Swing d'une feuille qui fait impression, Tanguy de Foy
Au martelage, certaines substances s’oxydent au contact de l’air et brunissent; d’autres ne colorent que peu le tissu. Une métamorphose des empreintes a lieu au contact du mordant, le sulfate de fer. Les couleurs obtenues se transforment: brun, gris, vert foncé, bronze, violet apparaissent, parfois de manière spectaculaire.
Comme textile-support, j’aime utiliser de vieux draps de coton blanc. Techniquement parce que les draps usés sont prêts chimiquement à accrocher les traces végétales. Écologiquement car cela m’intéresse de récupérer des draps blancs souvent mis au rebut. Symboliquement car ces draps avec leurs traces de vie incarnent pour moi le monde des rêves et des souvenirs, à mettre en lien avec cette question qui traverse mon travail: quelles traces reste-t-il de nos émotions?
Essaimage du terme
Je tiens juste à préciser que j'ai utilisé ce terme dans l'idée de transmettre une démarche de connexion aux plantes qui pour moi demande une pratique de slow-atelier, sur 2-3-4 jours, et ce n'est pas juste une technique à transmettre dans un atelier de 2h.
Depuis 2017, j'ai donné des centaines de stages et transmis la démarche et le terme à des milliers de personnes en Belgique, en France, en Colombie britannique, en Espagne, au Québec, en Nouvelle Ecosse, en Suisse, en Italie...et suis ravie de voir fleurir des créations.
Je suis ravie aussi de voir le mot Tatakizomé se répandre joyeusement, surtout si la démarche inclut cette attention toujours plus fine à la particularité de chaque plante. Cette attention et cette révélation nous lient émotionnellement à chaque plante, et -c'est mon intention- que cette démarche qui se répand nous rende de plus en plus nombreux.ses conscient.e.s de l'importance de chaque plante, nous donne envie de la comprendre, et de cohabiter avec respect.